[Entretien avec Bruno Boëglin]

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localisation Bibliothèque municipale de Lyon / P0740 FIGRP02870 006
technique 1 photographie négative : noir et blanc ; 24 x 36 mm
historique Le Nicaragua, il en rêve toujours. Toujours l'envie de s'acheter une maison, là-bas, et d'y vivre, six mois de l'année. En même temps, il a la nostalgie d'une autre maison. Professionnelle, celle-là. Où poser ses projets. Avec un administrateur qui gérerait le quotidien et ses charges. Où ? A Lyon, de préférence. Il s'y sent bien. Lyon, c'est bien, mais c'est plein... L'inconnu, alors ? Il serait d'accord pourvu que le jeu en vaille vraiment la chandelle. Entre les décisions à prendre et celles prises qu'on ne suit pas, Bruno Boëglin poursuit sa route comme tout le monde. A la recherche de l'émotion. L'émotion, au théâtre, en qualité de spectateur, il en a rarement. Très vite, dans son fauteuil, il s'ennuie. A quoi bon y aller, alors ? Aussi n'y va-t-il plus. Et il faut voir la mimique de dégoût avec laquelle il dit cela. L'émotion, il l'a quand même rencontrée cinq ou six fois, dans des spectacles-références. De ceux qui sur le coup vous transportent et tout aussitôt vous découragent de continuer. La vanité de son propre travail, Bruno Boëglin l'éprouve et l'a toujours éprouvée à un moment ou à un autre. C'est là que l'adhésion du public, comme réponse sociale à la création solitaire, a son rôle à jouer. "On n'arrête pas, parce qu'on se dit qu'on y arrivera un jour à faire le spectacle de ses rêves. Mais, si on faisait le spectacle de ses rêves, on arrêterait". Vérité du paradoxe. "Quand on a quitté l'enfance, quand on grandit..." et l'homme qui parle des ambitions déçues, des désillusions, qui dit qu'il n'a pas l'impression que son regard sur le monde ait fondamentalement changé depuis cette époque toujours plus éloignée, a gardé une silhouette d'adolescent, un regard bleu et rond, plein de malice, parfois, derrière ses lunettes à fine monture. Une silhouette qu'on dirait dessinée par le crayon acéré d'un humoriste. Une demi-heure qu'il est là, sur sa chaise. "Vous aimez parler de vous ? Non." Ses mouvements sont brusques, ses expressions inattendues. Des sourires lumineux, des regards qui scrutent puis se perdent et une grande attention à l'autre. Feinte ou réelle. Va savoir. Et quand il réfléchit, tout son corps l'accompagne. Très vite, il abandonne la banale position assise. Le voilà pratiquement accroupi sur son siège. Bientôt, c'est une jambe tendue devant lui avec le pied en porte-manteau. Il se mettrait à faire le poirier, qu'on n'en serait pas plus surpris. Tout cela en continuant à parler, comme si de rien était. On le sent doué pour faire le mime et même le pitre. D'ailleurs, il est aussi (rarement) acteur, même qu'il entretient une drôle de relation avec cet état-là. Entre plaisir et douleur. Avec surtout la peur que l'émotion ne passe pas entre la scène et la salle. "Et c'est horrible d'être physiquement présent face à des gens déçus, et de sentir qu'il ne se passe rien." Dans "La Cité Cornu" de Znorko, il campe un irrésistible Pinocchio, un rôle qui lui convient parfaitement. Lui qui a la mémoire mauvaise, il ne prononce pas un mot. Se mettre en scène, comme il l'a fait dans "La Trilogie", ou "L'habitant de l'enclos", par exemple, ne l'intéresse pas beaucoup. Il n'a pas, dit-il, un grand souci de sa personne et ne se fait pas assez travailler. Longtemps, il n'a pas aimé non plus faire travailler les autres. Timidité, difficulté dans le rapport humain... Avant, les acteurs il s'en "foutait", ils "l'énervaient". Leur timbre de voix jamais n'était juste à son oreille. Il aurait voulu pouvoir s'en passer. Progressivement, cela a changé. Ils sont à présent pour lui le principal élément du spectacle. Ainsi, au sujet de "Rixe et Simoun", sa dernière création, il n'hésite pas à dire qu'il a beaucoup retenu de ce qu'ils proposaient. Il y a dix ou quinze ans, Bruno Boëglin faisait un théâtre d'images. Ce qui l'intéresse désormais c'est de raconter des histoires. Avec son décorateur Christian Fenouillat, ils commencent toujours par se raconter ces fameuses histoires. "On parle de justesse". En dehors du théâtre, que fait-il ? Pas grand-chose, par absence de temps. Il joue, fait jouer, répète, tourne, va d'un spectacle à l'autre, et rêve toujours d'une année de farniente quelque part au Nicaragua. Source : "L'impossible Monsieur BB" / Nelly Gabriel in Lyon Figaro, 8 novembre 1990, p.31.
note à l'exemplaire Ce reportage photographique contient 35 négatifs.
note bibliographique Wikipédia. [En ligne] : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bruno_Boëglin (consulté le 07-05-2018).

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